Brilliant Colors est monté au grenier et a trouvé le trésor C86. Les costumes sont larges et les filles flottent un peu dedans, mais à force de vouloir mimer leurs héroïnes elles finiront par produire des chansons au charme maladroit, sans oeillade ni prodige, avec une candeur qu’on ne leur reprochera pas.


Les trois Américaines de Brilliant Colors seront incriminées dès le départ. Leur délit ? Coupables d’un manque d’allure évident. Un aveu de simplicité pourtant bienvenu en ces temps de coquetterie excessive de la part de nos groupes de rock. La petite Jess Scott commet, avec sa coupe de cheveux fruste, une absence de look vécue comme un crime impardonnable. Qui a dit que l’aspect extérieur ne comptait pas ? Un imbécile sans doute. Ces trois filles énervées, petites soeurs spirituelles de Vivian Girls, avaient pourtant tellement autre chose à faire que de se limer les ongles.

Issu de l’écurie Slumberland — dont il semble que la vocation principale, ces derniers temps, serait de nous faire racheter tout le catalogue C86 — le trio emballe et déballe sa twee pop ingénue et affûtée comme autant de petites lames qui viennent vous démanger les sens. Avec un vrai/faux air de déjà entendu, ce sobrement intitulé Introducing, production encrassée et caisse claire mise en avant — de celle jadis calquée sur le modèle Moe Tucker et qui avait fait les riches heures de quelques morveux Britons dans les eighties — offre à ce girl group la possibilité de réciter à qui voudrait l’entendre tout le répertoire de ses modèles, de The Primitives à Shop Assistants. Charmante aux premières écoutes, cette manie pourrait cependant à longue — heureusement le disque est court, 22 minutes — en agacer plus d’un, surtout si l’on a l’heureuse habitude de collectionner les disques de la maison 53rd and 3rd Records.
Brilliant Colors, c’est un peu le guide du routard en écosse, édition 2010.
Une rapide visite guidée des tourbières acides, où le groupe prend soin de ne pas bouger un meuble et de bien claquer la porte en sortant. Un disque qui refait les comptes, et les bons !
Le trio est pieds et poings liés à cette scène fantasmée et tente le sevrage à chaque piste, sans vraiment y parvenir. Rien de coupable, somme toute. Mais cette encombrante preuve d’amour ne rend-elle pas légèrement aveugle et peut-être même, parfois, un peu sourd ?
Un disque honnête, qui se contente malheureusement trop souvent de citer pour impressionner qui que ce soit. Le groupe n’étonne donc pas, mais laisse un goût agréable en bouche. Car avec cette voix frontale à haute teneur en sucre, bravant les intempéries atmosphériques des guitares saturées, il contamine d’un entrain furieux des titres simples et efficaces.

On en viendrait presque à comprendre pourquoi une telle signature, sans prime de risque, n’était-ce un plaisir coupable à (ré)entendre ces mélodies frondeuses et dissipées, ces mini-hymnes hardis construits sur deux couplets et un refrain.
Nostalgie assumée, aveux d’impuissance ou manque d’ambition certaine ? La réponse est probablement un peu dans chacune de ces affirmations.
Mais qu’importe, Brilliant Colors n’est pas là pour refaire le monde. Juste y prendre part, le temps peut-être d’un court album qui filera comme une comète.
Pour ceci, le groupe sera absout. Et s’il ne fallait retenir qu’un titre de cet album, on choisirait les yeux fermés « Should I Tell You », parce qu’il contient un peu plus d‘aspartame que les autres et que l’on pense que si la prochaine fois les trois gamines de Brilliant Colors pensent à alléger un peu leurs références criardes, nous nous risquerions à trouver ça bien plus épatant.

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– A voir et écouter : « Should I Tell You »