Cette joyeuse troupe finlandaise ne manque pas de panache lorsqu’il s’agit de franchir le Rubicon d’une pop intraçable. Leur deuxième album est propice pour conquérir de nouveaux territoires. A commencer par le notre.


Talitres n’a pas son pareil chaque année pour nous dégoter la petite perle indie-rock qui se hissera dans les classements finales de fin d’année. Au palmarès de ce label bordelais fort de plus de dix années d’intégrité artistique, des belles victoires telles que The National, Flotation Toy Warning, Le Loup, Ralfe Band, François and The Atlas Mountains… sans compter le prestige d’avoir en ses rangs Idaho, Swell et The Wedding Present. Autant dire que l’on fait confiance au flaire de cette honorable maison pour continuer de nous surprendre.

Et leur dernier protégé ne fait pas exception à la règle. Ce challenger qui nous vient des lointaines contrées scandinaves porte le nom cubiste de Rubik. A la vérité, ce collectif rock finlandais (capable d’accueillir en son sein huit musiciens !), se proclame plus volontiers « dadaïste pop » que disciples des célèbres perspectives abstraites peintes par Picasso. Encore peu connu par chez nous, le collectif d’Helsinki a déjà un album Bad Conscience Patrol (2007) à son actif et engrangé quelques tournées avec Mogwai et Autechre. Des noms qui donnent déjà un aperçu de l’éclectisme musical qui s’organise ici. Ou plutôt qui se désorganise.

Indéniablement, comme le suggère le titre de ce second album Dada Bandits, il y a une approche foutraque et dans le même temps un véritable engagement artistique dans leur volonté de bousculer les petites conventions de la pop. Chaque chanson se veut une nouvelle expérience d’alchimiste pour ses musiciens qui n’ont de cesse de surprendre, démanteler et fusionner les genres : séquenceurs new wave détraqué (“Goji Berries” ), pédales de guitare shoegazing nucléaire (“Radiants”), trompettes noyées et mariachis (“Indiana”), piano voluptueux, boites à rythme effritées, lignes de basse disco, choeurs confiant comme des conquérants et l’on en passe… Tout ce bataclan s’harmonise par miracle, non sans une stupéfiante capacité à parfois cuisiner des hymnes rock, sans abuser de levure façon U2.

Notre Rubik irrésolu est de toute manière trop imprévisible pour se contenter du single p(r)op(re) calibré pour les ondes. Leur mixture n’en demeure pas moins très additive. Jugez-en sur pièce avec l’indescriptible collision electro-kraut “Richard Branson’s Crash Landing”, déjà le nom est une autre histoire ! Impossible d’identifier tout ce qui se passe sur Dada Bandits, tentons tout de même une percée sur un titre: si les farouches Wolf Parade s’incrustaient dans la colonie de vacances d’I’m From Barcelona et y semaient l’anarchie rock, celle-ci porterait le nom de “Radiants”. Tout bien réfléchi, on ne voit que la ferveur de la scène rock canadienne pour outrepasser autant de règles avec une flamme ardente qui consume et emporte tout.

Cruel dilemme, s’il ne fallait retenir qu’un seul morceau pour synthétiser toute la démesure de Dada Bandits, ce serait “Indiana”, une embardée à la hauteur des plus folles épopées cosmiques des Flaming Lips : un post-rock interstellaire où se greffe un noble solo de trompette latin, détruit pêle-mêle par une batterie punk sortie de Kid A. Difficile parfois de suivre tous ces retournements de situations, mais l’enthousiasme fait ici franchement plaisir à entendre et finit par nous contaminer.

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A voir, Rubik – « Wasteland » :