Un esprit beau dans un corbeau


Adepte des projets les plus divers et variés mais toujours ancrés dans l’exigence et la qualité, Rob Crow, dont la face la plus connue serait celle d’une des deux têtes de l’hydre Pinback, ne paie pas de mine au premier abord.
Si, dans une jeunesse pas si éloignée, il fut un svelte et élégant jeune homme plein d’entrain, son physique s’est progressivement rapproché de celui d’un thrashman de la côte ouest, cheveux longs et gras et barbe sans fin, sans parler du pantacourt de rigueur sur Docs ouvertes et du t-shirt noir sataniste.

Pourtant, derrière ces faux airs d’ado en rébellion, Rob Crow possède un certain talent, pour ne pas dire un talent certain, à écrire de fabuleuses chansons pop à l’américaine, refrains accrocheurs et descentes chromatiques de rigueur.

Le VRP du math rock, du hard rock, du hardcore dissémine ses ballades douce-amères, ses élans dévastateurs et ses ambiances mid-tempo en autant de petites graines prêtes à germer dans la tête de l’auditeur, à tout moment, au détour d’un phrasé de basse, d’un arpège d’orgue ou d’un refrain assassin. Car le bougre, s’il pense n’être qu’un homme parmi les hommes, “He Thinks He’s People”, se détache pourtant assez régulièrement de la multitude sans nom pour dessiner d’incroyables chansons aux titres plus farfelus les uns que les autres, enchevêtrant à foison les sensations amères.
Depuis ce « Sophistructure » qui ouvre le disque à l’hommage au leader d’Anal Cunt, « Locking Seth Putnam in Hot Topic », en passant par « Build », ce sont autant de petits éclairs qui pénètrent sous la peau en tensions nerveuses tandis qu’ailleurs, venues de nulle part, Rob Crow dégaine des chansonnettes aussi vite qu’il dégoupille ses canettes. Cela ne lui sied pas forcément au teint mais ravit à chaque fois les oreilles attentives.
Qu’il prenne une guitare acoustique, « Pat’s Cabs » ou « I’d Like To Be There », et dès lors, il apparaît clairement que le compositeur n’aurait pas besoin de tous ces arrangements, ces oripeaux, ces entrelacs qui, non qu’ils dénaturent les chansons ou les affaiblissent, ne sont là qu’en habillage habile d’un modèle déjà formellement esthétique une fois mis à nu.
Et Rob Crow, qu’il se grime, se camoufle au gré de ses angoisses et ses obsessions, qu’il déguise ses morceaux en autant de styles impossibles, n’arrivera pas à passer pour le commun des mortels : il possède tout l’attirail du parfait songwriter, de celui qui, dès qu’il s’y colle, pond forcément une bonne chanson.

Sous la carapace qu’il suffit de gratter un peu pour l’oublier, reste un homme fragile et sensible et ce troisième album de Rob Crow, s’il paraît anecdotique à l’aune des sorties annuelles, servira d’excellent faire-valoir au nouvel album de Pinback à venir en 2012.

– Le clip de » Sophistructure » :



– La chronique de Living Well, précédent opus de Rob Crow