Sur son septième opus, le barde Ecossais émancipe ses « murder ballads », entouré de quelques pointures de la scène folk de Glasgow.


Depuis ses débuts sur le label Drag City il y a un peu plus de dix ans, le folksinger écossais Alasdair Roberts (ex Appendix Out) balance à l’envi entre disques austères confectionnés en autarcie, et d’autres à contrario en quête d’ouverture, où il s’épanouie entouré d’un collectif de musiciens folk du « cru ». Pour comprendre la démarche du folker glaswégien sur ce septième opus, un retour sur sa discographie solo s’impose : le protégé de Will Oldham a publié quatre albums de chansons personnelles enregistrées quasi-exclusivement avec sa guitare – The Crook of My Arm (2001), Farewell Sorrow (2003), The Amber Gatherers (2007), et enfin Spoils (2009), où quelques sobres arrangements apparaissent pour la première fois. A cela s’ajoute deux disques de balades traditionnelles revisitées (« murder ballads » in english), avec la participation d’une dizaine de musiciens : Too Long in This Condition paru en 2010 et No Earthly Man en 2007 produit par Will Oldham (avec la participation d’Isobel Campbel au chant). Le petit dernier, A Wonder Working Stone, semble indiquer une stabilisation du personnel sous le nom de groupe « Alasdair Roberts & friends », déjà utilisé sur Too Long in this Condition, qui bénéficiait peu ou prou du même ensemble de musiciens.

Un point cependant non négligeable diffère sur ce second album d’Alasdair Roberts & Friends, il s’agit de compositions originales. Ce qui range d’emblée ce recueil de chansons originales parmi ses plus ambitieuses. D’autant que le groupe qui entoure le barde écossais est certainement son plus expérimenté et cohésif à ce jour. L’amicale comprend la moitié du groupe folk iconoclaste Tatties Toes, soit l’extraordinaire violoniste gallois Rafe Fitzpatrick et le batteur /marionnettiste (toujours utile de le mentionner…) Shane Connolly. Autre force vive présente, le virtuose de la six-cordes Ben Reynolds (Trembling Bells), ici à l’emploi à la guitare électrique et à l’harmonica. Parmi les crédits bien garnis figurent aussi une huitaine d’invités, dont la talentueuse vocaliste Olivia Chaney.

Malgré la présence de la fée électrique (guitare, dulcimer…), A Wonder Working Stone donne en premier lieu l’impression d’écouter une musique centenaire imbibée du crachin mélancolique des Highlands. Les initiés savent qu’il faut gratter l’écorce un peu rude. Après quelques écoutes, la part d’austérité s’estompe pour révéler un groupe en effort de mouvement collectif. On ne soupçonne pas tout de suite à quel point les parties instrumentales sont précises : des tempos lents à la mise en place rythmique pourtant redoutablement ciselés autour d’airs plutôt festifs – « Scandal and Trance » et ses progressions mélodiques sinueuses, intrigantes à suivre. Quant à « The Year of The Burning », ce serait un peu comme si Slint se serait mis au défi de revisiter des partitions de musique médiévale. D’autres confrères sont allés jusqu’à pousser la comparaison avec le post-rock pastorale de Dirty Three, mais objectivement, ce serait tout de même bien trop s’avancer. Du reste, le chant narratif d’Alasdair Roberts est tellement caractérisé par son accent écossais du nord, qu’il procure à l’ensemble une singularité quelque part contemporaine, au regard de ses fondations gaéliques. Le mystère autour de cette écriture entre tradition et modernisme reste entier.