Alain et le Space Opéra.


Il en a fait du chemin, le p’tit gars du Berry, de « Levallois » à « Alpha Centauri ».
D’ailleurs, de Rio Baril à Courchevel, Florent Marchet a pris l’habitude de chanter les espaces, prenant le pli d’une écriture géographique. Alternant disques de chansons pop à la française (Gargilesse, Courchevel) et albums conceptuels (Rio Baril, Bambi Galaxy), le chanteur décrit aussi bien les paysages intérieurs, une vie sur le fil, entre amers constats du quotidien et rêves d’ultimes évasions vers des ailleurs virtuels, voire artificiels. Des destinations qui – finalement – se révèleront tout aussi bien chimères amères. Qu’il manie la dérision humoristique (moustache et peau de bête) ou la description minutieuse de la réalité, Florent Marchet délivre toujours d’un Å“il amusé les tableaux désabusés des angoisses de l’existence.

Fi alors des albums pop (rock) du début ! L’artiste prend le risque d’une production audacieuse et synthétique, un « Space-Opéra » à la musicalité très proche de la froideur de son voyage inter-galactique. Et même perdu dans l’infiniment grand, constat de la futilité inéluctable de tout être et toute chose, Florent Marchet se raccroche aux sentiments les plus enfouis, l’amour, les proches, la mort.

Si le timbre de la voix, ses envolées, ses intonations, rappellent de plus en plus Alain Souchon, le doux rêveur de la variété française (cela n’a jamais été aussi flagrant depuis dix ans), c’est pour mieux s’éloigner des poncifs de ladite variété traditionnelle.
Prenant toujours à contre-pied – si il y a du cynisme, c’est avec humour – des schémas entendus et éculés, il prend le risque d’une musique audacieuse au regard de ses propres productions passées et d’une narration à mille lieues de textes sans consistance. Abscons peut-être (« 647 »), rigolos surtout (« Raël Mon Amour »), c’est une véritable ode à quitter la terre qui se meure.

Pourtant, le voyage devient lui aussi un moment initiatique anxiogène lors d’un « Apollo 21 » terrifiant qui rappelle que toutes les craintes et les peurs humaines sont intrinsèques à sa nature, les deux pieds bien au sol ou à des milliers de kilomètres dans l’espace. Sans espoir donc. Car le Bambi du titre, cet écho d’une triste enfance, vient se cogner à la réalité de l’impossibilité d’appréhender une sortie heureuse, même devant l’infinité de la Galaxy, si ce n’est par la création, le rêve, le voyage.
Ainsi, non pas au dessus mais en marge de la chanson française, Bambi Galaxy est un album atypique et pourtant en phase totale avec l’univers que Florent Marchet se construit au fil de ses productions musicales.