La fratrie britannique, originaire de Sunderland, Peter et David Brewis, peut se targuer d’une discographie aussi remplie qu’exemplaire, de plus adoubée par la critique musicale depuis ses débuts.



Onze années de carrière, cinq albums, une compilation de faces B, une bande originale de film, un disque de reprises, et deux albums solo chacun. La fratrie britannique, originaire de Sunderland, Peter et David Brewis, peut se targuer d’une discographie aussi remplie qu’exemplaire, de plus adoubée par la critique musicale depuis ses débuts. Bien souvent hélas, ce genre de groupe encensé par la presse spécialisée ne connaît qu’un succès confidentiel, boudé par le grand public insensible à leur musique sophistiqué et arty. Les goûts impeccables du prodigieux duo multi-instrumentiste – une musique chaînon manquant entre XTC, Todd Rundgren et les Talking Heads – s’adresse plutôt aux amateurs de pop exigeante. Un petit club certes, mais qui lui est resté fidèle. Selon la formule consacrée, leur sixième album, Commontime, ne décevra pas son audience, mais ne montre pour autant aucune volonté de l’élargir. On y retrouve les même ingrédients de premier choix distillés depuis le superbe double album Measure (2010) et son successeur Plumb (2012) : une épure instrumentale quasi clinique, des brisures rythmiques complexes, des harmonies vocale très travaillées pour contrebalancer, mais aussi une orchestration baroque raffinée, quelques touches de funk raide à la Talking Heads, enfin quelques éléments de musique concrète et répétitive. Aucun aspect n’est négligé dans cette pop alambiquée étrange, à la tension sous-jacente, parfois à limite du malaise. Mais une fois l’oreille apprivoisée au bout de quelques écoutes, on y trouve son lot de trésors. « The Noisy Days are Over » qui ouvre notamment l’album, avec un gimmick de guitare irrésistible tendu sur plus de six minutes (évoquant les Strokes), tandis qu’il se coud tout autour différentes couches mélodiques toutes plus audacieuses les unes que les autres : arrangements de violons et de cuivres splendides, un solo de saxo délirant, et autres choeurs fulgurants… Les treize autres morceaux optent pour un format plus court mais ne baissent pas en ambition : « But not for you » au groove chirurgicale ; « They Want You To Remember » et « The Morning is Waiting » ; ballades aux arrangements de cordes somptueux ; « Trouble at the Light », aux relents rock progressif, mais sans faute de goût ou encore un « Dissapointed » plus rentre-dedans… On ne parlera donc pas ici de renaissance artistique – bien que ce disque soit leur premier depuis que tous deux ont goûté aux joies de la paternité – mais plutôt d’un perfectionnisme acharné, qui continue de prolonger leur vision si singulière. Depuis donc plus de dix ans Field Music, est notre argument préféré pour contrer la morosité de la pop britannique.