Après le soleil de destinations mythiques (Hawaii, Santa Barbara), The High Llamas et sa pop racée, se confrontent au macadam Londonien et aux préoccupations locales de son leader Sean O’Hagan.



La trajectoire de l’anglais Sean O’Hagan est idéale. Il s’associe le temps d’une petite décennie – (1980-1988) et pour le meilleur – à l’exalté Irlandais Cathal Coughlan, au sein des singuliers Microdisney. À temps partiel il va et vient au sein du collectif Stereolab de son ami Tim Gane, pour enfin plonger, la tête la première, en 1992, dans le grand bassin de la pop musique. Son nouveau collectif The High Llamas sera sous forte influence Beach Boys. Chaque nouvelle sortie discographique sera une occasion de réécrire un pan d’histoire, en complétant la symphonie alors longtemps inachevée Smile du génie Brian Wilson. Jamais il ne décevra son ange tutélaire.

14 ans après, O’Hagan est arrivé au bout d’un processus. Dorénavant, tel un vieux sage, il aspire à l’essentiel, comme par exemple, s’affranchir des codes de fabrications et de compositions classiques qu’il a pu expérimenter une grande partie de sa carrière. Son idéal de bonheur est simple. S’impliquer dans un projet concret, et tendre vers une liberté d’écriture plus instinctive. Dont acte. Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé ne serait … PAS … que pure coïncidence.

Une virée à bicyclette de Sean dans son quartier londonien, une conversation animée au coin d’une rue entre deux femmes, un agent local du gaz et de l’électricité objet de la querelle, voilà le décor planté. C’est le début de l’histoire et la genèse de ce disque. Cette joute verbale révèle à Sean O’Hagan qu’il a lui aussi d’autres histoires de voisinage à confesser. Elles seront le ciment de ce récit musical.

Depuis 28 ans O’Hagan est un résident de Peckham. Ce quartier du sud-est de l’Albion est aujourd’hui sujet à des mutations structurelles et à un embourgeoisement urbain. Cette gentrification gomme toute identité de communauté urbaine et lisse le tissu social de son quartier.

Ce conte social et musical est centré autour d’Amy. A 28 ans cette figure dynamique de Peckham, distribue des tracts sur la place centrale, et se bat contre la privatisation du centre de loisirs local ou elle travaille en intérim. A cette occasion, Amy rencontre cinq autres personnages directement impliqués dans ces bouleversements.

On le devine, on le remarque, ce nouvel opus est très scénarisé. Le projet fini aura donc les honneurs d’une première exposition au pub – The Montpelier – de Peckham, en juin 2014. Suivra en 2015, une représentation d’une semaine à Londres, au Théâtre Tristan Bates de Covent Garden.

Musicalement, les High Llamas sont les mêmes ! Donc Here Come the Rattling Trees n’est pas le nouveau London ‘Peckham’ Calling. Car le posé et méticuleux O’Hagan dessine avec soin ses mélodies. Le trait est fin. La palette sonore – principalement acoustique – est ciselée et sonorisée avec application. Son instrument de prédilection est la guitare acoustique à cordes de nylon, dite classique. Le fil directeur de ses chansons est dicté par ce bel instrument. Au premier abord superficiel, à la lisière de l’easy listening, Here Come the Rattling Trees ne prend cependant jamais l’ascenseur.

La construction des accords est légère et guillerette. Le rythme primesautier et bucolique nous met du baume au cÅ“ur. Tout est subtilement agencé, chaque instrument trouve son chemin pour un récital global très convaincant. Les instruments exotiques – marimba, clavecins – se mélangent aux plus classiques – guitare, orgue, vibraphone et synthé. Tous produisent un son soyeux, doux et équilibré. Le timbre de voix d’O’Hagan est lui-même soft et plaintif, à la Robert Wyatt.

Cadré avec art, Here Come the Rattling Trees propose à part égale une alternance de séquences instrumentales et chantées. Sean O’Hagan et ses High Llamas font se mêler les rythmes et les styles : bossa-nova urbaine, musique de chambre feutrée, pop ‘Wilsonienne’, soul des années 60 et thèmes musicaux de séries télévisées ou de pièces de théâtre (Sean O’Hagan est un grand admirateur d’Edwin Astley – compositeur des séries TV – Le Saint et Le Baron). Le court instrumental ’’Livorno Underscore’’ lui est directement consacré.

Cet opus bien que très séquencé, peut se découvrir en tous sens : en mode aléatoire ou continu notre plaisir sera identique. Pour la forme, on pointera nos préférés du moment : ‘’Amy Recalls – Barham Trees’’, ‘’ Here Come the Rattling Trees’’, ‘’Jackie’’ et ‘’McKain James’’. Sean O’Hagan est un orfèvre, sa musique de la dentelle.

Une série de trois concerts est programmée les 23, 24 et 25 mai au CLF Theatre de Peckham. On imagine déjà le quartier en ébullition, des affiches placardées un peu partout. La configuration scénique sera théâtrale. 4 ou 5 musiciens seront disposés en arc de cercle, avec Amy – la protagoniste centrale – qui arpentera de long en large la scène, en maugréant le futur de son quartier. Ce projet artistique et conceptuel trouve ici logiquement et idéalement sa conclusion. Voilà de plus la population de Peckham rassurée pour un temps !


Sequence nostalgie