Fidèle à ses fondamentaux, la très discrète formation slowcore emmenée par les frères Kadane signe un quatrième album à la rugosité intemporelle.


Idaho, Low, Red House Painters, American Music Club, Codeine, Pedro The Lion, Bedhead… si ces noms ne vous disent rien, pour d’autres, ils ont écrit une des plus belles pages du rock alternatif US des années 90. Affilié au mouvement slowcore (ou sadcore selon les préférences), ce petit bataillon tranchait dans le paysage grunge surmédiatisé avec leurs compositions introspectives, symbiose inédite entre la lenteur rugueuse de Neil Young période Zuma et la folk dépressive et sophistiquée de Nick Drake.

Parmi eux, Bedhead, groupe texan fondé par les frères Matt et Bubba Kadane, fut l’un des plus brillants artificiers du mouvement slowcore. Durant sa courte existence (entre 1994 et 1998), Bedhead n’a sorti que trois albums mais qui ont pourtant marqué considérablement les esprits et influencé nombre de musiciens jusqu’à de nos jours (de Explosions in the Sky jusqu’à récemment Cloud Nothings). Leur principale atout  ? Les singulières constructions guitaristiques des frères Kadane, mises en son par le fameux producteur Steve Albini.  Un sens de l’équilibre rare, entre retenue et abrasivité émotionnelle, toujours appuyé par une économie rythmique et une fluidité mélodique confondantes. Cette esthétique forte, forgée dès leur séminal premier album What Fun Life Was (1994), les frères Kadane continuent depuis maintenant près de vingt ans à en creuser fidèlement le sillon avec The New Year, quatuor formé sur les cendres de Bedhead, et auteurs de trois albums cultes sur le label Touch and Go – Newness Ends (2001), The End is Near (2004), et The New Year (2008).

Neuf longues années donc séparent les deux dernières productions studios de The New Year. Difficile en même temps de reprocher cette attente à ceux qui fait leur credo de l’éloge de la lenteur… Entretemps, il y a bien sûr eu la regrettable fin de leur label historique, Touch & Go, puis la parenthèse Overseas – supergroupe formé avec David Bazan (ex Pedro The Lion) qui avait débouché sur un excellent premier album paru en 2013. Et puis les frères Kadane étaient depuis retournés à leur traditionnel silence. A tel point qu’on pouvait légitimement se demander si The New Year existait toujours. L’annonce surprise de ce quatrième album fut donc quasi inespéré.

Fidèle à leur tropisme pour les pochettes à thématique de couleur (soit dans l’ordre chronologique des précédents noir, bleu et marron), Snow devait en toute logique être leur “album blanc”. Mais non, la pochette de ce quatrième opus est finalement grise (la faute à Weezer qui leur a grillé la politesse l’année dernière ?).  Le contenu par contre, demeure nettement moins ambigu. La fratrie Kadane reste fidèle à ses fondamentaux. Mieux, elle persiste et signe : plus authentique, ou slowcore, tu meurs.  Si “l’album marron” sorti en 2008, opérait pour la première fois une petite révolution en privilégiant des compositions centrées au piano, Snow remet au premier plan les six-cordes électriques. Fuyez le naturel, il revient au galop qu’ils disaient…

Les variations pourraient paraître infimes, elles n’en demeurent pas moins décisives. Les pionniers viennent d’enregistrer leur album le plus “posé” à ce jour. Tendrement mélancolique et humble dirons-nous. Sur les neufs titres retenus ici, un seul est vraiment rock le fabuleux « Recent History ». A lui seul, ce morceau, véritable leçon de colère rentrée, est un coup dur affligé à Cloud Nothing qui vient subitement de perdre toute légitimité.

Pour le reste, ces guitares si familières n’ont rarement sonné si coulées et intimistes, délestées de toute superficialité. Et ce dès l’émouvant “May Day” qui ouvre l’album lentement, superbe de retenue et de profondeur. Le calme apparent qui règne sur ce disque renvoie à la sensation d’un tranquille flocon de neige qui vient se poser et terminer son cycle de vie –  notamment “Snow” et “The Last Fall”, où les notes contemplatives d’un orgue hammond viennent accentuer ce sentiment de plénitude mélancolique. Autre merveille, “The Beast” subjugue avec ces enchevêtrements d’arpèges entre les deux (voire trois) guitares – écoutez bien les subtiles trouvailles rythmiques !  Il faut d’ailleurs souligner le formidable travail du batteur Chris Brokaw, (ex Codeine et Come), virtuose de la sobriété voire de l’effacement (tout un art pour un batteur de rock) comme sur le quasi instrumental “Myth”.

Sans jamais forcer le trait et avec une classe supérieure, la musique de  The New Year respire l’évidence et impose naturellement son identité. Cette spontanéité qui ne peut être acquise qu’avec le fruit de l’expérience, fait de The New Year le groupe de rock alternatif le plus honnête et le plus attachant qui soit. Et ça, ça n’a pas de prix.

Site officiel : www.thenewyear.net/

Site marchand : www.undertowstore.com/

 

Tracklisting :

  1. Mayday
  2. Snow
  3. Homebody
  4. Recent History
  5. The Last Fall
  6. Myths
  7. The Party’s Over
  8. Amnesia
  9. The Beast
  10. Dead and Alive