Revenu à la vie après sept ans d’absence, l’orfèvre américain sort un troisième album enregistré à Manchester où ses symphonies pop ne manquent pas de folie.


C’est écrit sur le livret : l’album est dédié à la ville de Manchester, où il a été enregistré. Il faut dire que son géniteur, le songwriter américain Brian Christinzio, alias BC Camplight, a parcouru un long et tortueux chemin avant de renaître sur ce troisième album. Auteur au milieu de la décennie précédente de deux trésors cachés de pop aux moyens rudimentaires, transfigurés par des harmonies rivalisant d’audace avec The Zombies et Harry Nilsson ( Hide Run Away (2005) et Blink of a Nihilist (2007), le pianiste/chanteur a par la suite connu une longue traversée du désert. La tournée consécutive à son second album le plonge dans une profonde dépression : le philadelphien arrête de composer durant trois ans, et vit momentanément dans la précarité. Il doit finalement son salut à un fidèle admirateur anglais qui l’invite à faire ses bagages et le rejoindre à Manchester. Remis en selle et désormais mancunien d’adoptien, le musicien s’est pris de passion pour l’illustre ville des Smiths et de Joy Division.

On ne peut pourtant pas dire que la musique de Brian Christinzio soit influencée par les figures rock locales. How To Die In The North est plutôt imbibé de soul seventies orchestrée et de pop psyché/baroque à la Jimmy Webb. Les neuf compositions présentées ici, somptueusement arrangées (pas moins dix-sept musiciens y sont crédités), sont indéniablement sa production la plus ambitieuse à ce jour. Certes, la candeur pop/lo-fi du BC Camplight que l’on connaissait jadis s’est un peu estompée au profit d’un spleen léché. Mais son talent de super mélodiste ne s’est en rien atténué – on s’incline ainsi devant l’immense « Thieves in Antica » et ses harmonies vocales soyeuses et immaculées façon Surf’s Up ; la ballade précieuse « Love Isn’t Anybody’s Fault » ; ou encore le très accrocheur « Just Because I Love You » qui sonne comme un classique pop instantané, comme si Todd Rundgren tentait d’imiter les Delfonics.

Quelques touches de Theremin, mellotron et de vibraphone confèrent à l’ouvrage un côté opéra pop, à tel point qu’on pense à l’Odessa des Bee Gees, à moins que ce ne soit la similitude des deux pochettes couleur azur/or qui nous le rappelle. Au milieu de ce raffinement d’un autre temps, deux morceaux toutefois renouent avec la douce excentricité des premiers opus, les délirants « Grim Cinema » (un punk effréné avec des congas) et « Lay Me on the Floor » (et ses vocalises en « oh oh » sur fond de beat hip hop). L’album se clôt en beauté sur une dernière vertigineuse ballade au constat amère, « Why Doesn’t Anybody Fall In Love Anymore » : dans ses dernières mesures, la douleur ressentie dans la voix de Brian Christinzio, est telle qu’elle nous rappelle celle d’un autre exilé au cÅ“ur brisé, le Polnaref de « Lettre à France ». Alors oui, il y a de la démesure chez BC Camplight, mais elle est définitivement du bon côté, car sous le vernis se cache une part de folie salvatrice.