Après le plongeon périlleux réussi de Total Live Forever, la machine Foals mouille à nouveau son groove aux sons de guitares lacrymales. On retient sa respiration.
Feu sacré. Ainsi s’intitule le troisième album de Foals. La flamme a été précieusement entretenue jusqu’ici par le quintet emmené par Yannis Philippakis, désormais suivi par un public de plus en plus nombreux. La tournée qui les voit traverser l’Europe se déroule quasiment à guichet fermé. Même en France, la Foalsmania bat son plein avec un Olympia archi-complet depuis des lustres, et déjà une nouvelle date programmée pour novembre prochain, en forme de consécration au Zénith de Paris. Un tel engouement peut surprendre venant d’une formation qui développe une musique plutôt complexe, ou du moins pas si simple à aborder pour le « grand public ».
Un élément de réponse peut être avancé quant à cette popularité. Aussi débridées soient leurs structures instrumentales, Foals a su maintenir sur ses trois albums un sens du groove à la fois personnel et ultra-efficace. Quand le duo (guit)artistique Yannis Philippakis /Jimmy Smith défriche les territoires post-punk, la batterie métronomique de Jack Bevan et la basse pilonnée de Walter Gelvers veillent de toute manière, indévissables, pour réconcilier expérimentation et pulsation. Il y a dans chaque album du quintet originaire d’Oxford, une paire de « proto-tubes » qui donne envie de taper du pied (même si on n’est jamais trop sûr de suivre la mesure correctement) : l’énergie brut de « Cassius » et « Balloons » sur un premier album à l’urgence froide, Antidotes (2008) ; puis la chaleur salvatrice de « Miami » et « Spanish Sahara » sur Total Live Forever (2010) ; enfin Holy Fire n’y fait pas défaut, avec « Inhaler », et surtout « My Number », leur single le plus funky à ce jour, qui évoque furieusement Chic.
Bien sûr, leur section rythmique impériale n’explique pas tout. Il suffit de constater l’état de la scène rock à guitare actuelle très conservateur, où Foals s’impose avec Wild Beast comme l’une des rares formations britannique de sa génération à susciter l’espoir d’apporter un peu de nouveauté. Travailleurs acharnés en studios, le quintet continue d’avancer méthodiquement tout en prenant bien de soin de s’écarter des effets de mode (aucune allusion aux années 80 sur ce disque, ce qui est plutôt rassurant). Pourtant cette fois, pas d’innovations majeures n’est à constater sur ce troisième opus, mais plutôt un effort de consolidation des fondations. Les éléments présents sur les deux précédents opus du groupe sont perfectionnés avec une maîtrise indéniable.
Disque que l’on peut qualifier de « synthèse », Holy Fire est certainement l’ouvrage le plus coulé de leur discographie. Derrière les manettes, le binôme légendaire Alan Moulder/Flood (le premier s’était déjà chargé du mixage sur l’opuz précédent) a façonné un son à faire trembler les basses de votre enceinte. Limite trop propre ? On serait tenté de dire non, ou sinon ce serait pour mieux voler en éclat, comme c’est le cas dès l’impressionnante ouverture « Prelude’ ou sur les pièces les plus ambitieuses – comme le rouleau compresseur « Providence », boosté par la section rythmique la plus intrépide du moment.
Yannis Philippakis, vocaliste au départ assez limité – il faut l’admettre- place de mieux en mieux sa voix, ce qui se répercute incidemment sur les mélodies. Curieusement, lorsque la sensibilité pop devient aigüe – sur les vibrants « Bad Habit” et “Out of The Wood » – elle se traduit incidemment par une intense mélancolie lacrymale. Le son des guitares, très liquide, y est certainement pour quelque chose…
La course contre la montre qui se jouait sur Antidotes n’est plus vraiment de mise, Foals excelle désormais dans l’art du lâcher-prise, ralentissant la cadence si nécessaire pour souligner l’émotion (« Inhaler », « Moon »). Foals baisse la garde et nous révèle de jolies faille. Car voilà tout l’enjeu désormais de cette incroyable machine, gagner en humanité.
Foals – My Number from Us on Vimeo.
Foals ‘Inhaler’ from Pulse Films on Vimeo.