Cartes postales venues d’Écosse ou l’Amour des petites gens.


Alors qu’un été à peine existant touchait à sa fin, rongé par une météorologie peu propice à la détente, parsemé d’informations toujours plus désespérantes, à la fin d’un mois de juillet vide d’activité, attente latente, un disque a surgi qui n’avait pas sa place ici : une carte postale d’un autre lieu, d’une autre époque.

Afin d’illustrer musicalement le documentaire que Virginia Heath a réalisé à partir des archives de l’INA écossaise, cette dernière a jeté son dévolu sur Kenny Anderson, aka King Creosote. Bousculant le chanteur dans ses habitudes de composition, plaçant toute sa confiance et ses espoirs en lui, tous deux travailleront de concert au vu des images à recréer une atmosphère d’un autre temps.
La force évocatrice de l’écriture d’Anderson va dresser les portraits de ces inconnus, leur inventer une vie pas si rêvée ni trop imaginaire, et transformer ainsi les anonymes du quotidien en héros universels.

Depuis le témoignage de l’intime ou le souvenir collectif, entre comptines enfantines (« Bluebell, Cockleshell, 123 »), folklore klezmer (le très surprenant « Largs » et sa clarinette enchantée) ou ballades de tendresse, le disque déroule ainsi ses onze morceaux toujours portés par la voix lunaire du King C et son accordéon, des envolées de cordes et une simple guitare rythmique… s’accordant un interlude instrumental tel une virgule pour encore mieux finir sur un magnifique « A Prairie Tale ». Kenny Anderson puisera même dans ses propres archives le temps du refrain final de « Miserable Strangers », relisant au passage et avec chÅ“urs son « 678» »du très beau KC Rules OK de 2005, comme une mise en abyme de la commande qui lui a été passée, une identification à ces illustres anonymes.

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À chanter les artisans, les ouvriers, les inconnus, King Creosote aurait pu par là-même rendre hommage à son complice de labels (Fence, Domino), James Yorkston avec qui il partage une créativité loin du strass et des paillettes ainsi que la célèbre choriste KT Tunstall (sans cerisier ni cheval, mais leur vieille amie participât aussi bien à quelques enregistrements de King Creosote qu’elle apparaît sur le dernier Yorkston). Car l’Écosse foisonne de ces talents musicaux cachés qu’il serait inutile d’énumérer ici, tant la liste non exhaustive réciterait les yeux fermés une suite d’artistes qui composent des chansons comme personne.
Dans la plus pure tradition folk britannique mais sans la recherche si traditionnelle chère à Alasdair Roberts, plutôt donc porté vers une certaine modernité, Yorkston a sorti une dizaine d’albums dans la plus stricte intimité chaleureuse de son banjo, de sa voix si familièrement proche et des participations toujours à propos de ses amis. Fin ciseleur, artisan et passeur, Yorkston sort un très beau The Cellardyke Recording And Wassailing Society de seize titres doux-amers en plein mois d’août, qui n’aura pas eu l’éclairage escompté ni mérité. Il n’est donc jamais trop tard pour rendre un hommage à ce compositeur hors-pair avant de le retrouver à son tour exhumé d’archives anonymes. Cette joyeuse bande de bardes mélancoliques, artisans talentueux qui égayent les contrées écossaises, mérite pourtant un peu plus d’attention qu’une oreille au repos, qu’un auditeur peu attentif.

Néanmoins, avec ces deux jolies sorties de pré-rentrée, c’est déjà la prochaine destination de vacances musicales qui se dessine, par delà l’Angleterre, où la chaleur universelle des êtres l’emporte assurément sur la météo récalcitrante. En attendant la prochaine carte postale.



-Site officiel King Creosote

– Site officiel James Yorkston