Les frères Head ressortent leurs guitares de leur étui après quatre longues années d’absence. Encore une fois, il faut être un véritable Grizzly des steppes pour ne pas fondre devant cette pop mélodique, étincelante de pureté.
Qu’il est bon de revoir un vieil ami dont les aléas de la vie font que malheureusement, les rencontres soient souvent fortuites. Après chaque séparation, on ne se sait jamais si le destin nous recroisera encore, mais cela rend ces retrouvailles incertaines toujours plus réjouissantes à chaque fois. C’est un peu le cas de Shack, car un nouvel album des deux frères de Liverpool laisse toujours le pressentiment qu’il sera le dernier. Alors forcément, on baisse la garde plus facilement face à ces mélancolies de feuilles mortes.
Depuis HMS Fable il y a 5 ans, les frères Head étaient retournés dans leur tanière et semblaient bien décidés à ne pas en sortir. Retraite forcée? Il y avait de quoi se poser des questions, car l’accueil critique (et un peu publique) de leur précédent album (HMS fable) fut certainement leur meilleur depuis Pacific Street (avec au palmarès une couv du NME, pas mal pour un magazine de djeuns). Et pourtant, après une poignée de singles et un dernier inédit (« Oscar »), Shack retombait dans l’anonymat.
Encore une fois, la terrible malediction qui s’abat depuis près de vingt ans sur les frères Head se vérifiait à nouveau : Laurel, le label de l’époque, déposait le bilan, laissant encore une fois les frères misères sur le palier. L’histoire ensuite est bien connue, quatre années de remise en question profonde (aidé par l’alcool diront les mauvaises langues), et puis finalement un retour inespéré vers la lumière. Ce sera finalement un fan impatient qui leur proposera de signer sur son propre label, la petite structure North Country. Sept semaines plus tard, l’album était torché, enregistré et mixé.
Un mois et demi de dur labeur donc, véritable croisade pour un groupe de garage-rock de nos jours mais qui se révèle paradoxalement une durée extrêmement courte pour les ex-pale fountains, grands habitués d’orchestrations et perfectionnistes devant l’infini. Qu’à cela ne tienne, cette accélération forcée des travaux finis semble avoir redonné une seconde jeunesse. A tel point que les tensions étaient de nouveau palpables en studios, selon les dires des deux frères.
Enregistré donc dans des conditions d’urgence inhabituelles, la majorité des chansons semblent – à première vue – à moitié terminée. Mais le charme opère après deux ou trois écoutes, et l’on s’incline encore une fois devant ce chant qui prend un accent prolo de plus en plus prononcé avec le temps. On retrouve cet amour fidèle que porte Shack pour les mélodies des Byrds et les ambiances romantiques de Love (Hommage appuyé sur le nostalgique « Byrds Turn to Stone »), mais aussi une pincée de classicisme brit pop dont Oasis leur doit tant (« On the Streets Tonight » « Chinatown »).
L’album se révèle finalement une sorte de milk-shake de toutes les tendances musicales qui ont échelonné la carrière du groupe. Les ambiances bossa, en berne depuis la fin des pale fountains, refont une apparition remarquée sur une poignée de titres (« Soldier Man »). Quelques ballades boisés d’une virginité confondante comme sur « As Long as I’ve got you » et « The Girl with the long brown hair ». Et puis cette production un peu rêche qui était symbolique des deux premiers albums de Shack (Zilch et Waterpistol).
Rien de bien nouveau en fait, excepté peut-être « Miles Apart », une impressionnante incursion hispanique en 16/9eme qui prouve que nos beautiful losers sont capables d’une fulgurence époustouflante lorsqu’ils s’y prennent la peine. Mais la véritable pièce de résistance se trouve à mi-chemin de l’album avec « On the terrace », un véritable puzzle mélodique démontrant encore une fois la science du songwriting des frères Head.
Enfin, si les projecteurs se dirigent plus facilement sur Michael, John le cadet démontre qu’il n’est pas là pour cause de piston familial (rappelez-vous l’épique « Cornish Town » sur HMS Fable ) et signe trois chansons romantiques à souhait dont l’orchestral « Carrousel », véritable promenade automnale dans le parc du Luxembourg.
Comme le dit si bien le magazine Mojo, le seul groupe capable de remercier dans ses crédits les employés du Cash Converter fait encore une fois un retour miraculeux vers les cimes de l’Olympe. Le seul soucis qui nous vient à l’esprit en écoutant ce disque, c’est qu’aucun brevet n’a été déposé jusqu’à ce jour pour conserver la recette tant prisée des frères Head et que le jour où ils s’arrêteront véritablement, nous demeurerons bien inconsolables.
-Le site officiel de Shack
– si vous n’êtes pas encore rassasié, encore un peu de Shack par là