De retour en configuration électrique, le chamane folk Ben Chasny laisse exploser des solos cosmiques et tribaux d’une violence inouïe.


Depuis l’ultime opus du combo acid-hard rock apocalyptique Comets on Fire (Avatar, 2006), dans lequel Ben Chasny officiait en tant que « guitar hero » offensif, le maître de cérémonie cosmique de Six Organs of Admittance devait commencer à trouver le temps long. C’est du moins ce que l’on se plait à penser à l’écoute du spectaculaire virage électrique manœuvré sur Ascent.

Après un précédent opus, Asleep on the Floodplain, renouant avec les anciennes méthodes acid-folk en catimini sur quatre-pistes de la période Dust & Chimes et Dark Noontide, le californien s’oriente vers une tout autre direction pour son douzième opus studio (en omettant ses compilations et autres collaborations). En premier lieu, le line up des Comets of Fire est réuni lors de ces sessions qui se sont déroulées à San Francisco, sous la houlette du producteur Tim Green, familier des deux formations. Sans ambages, l’éruption sonique qui en résulte s’inscrit dans la suite logique d’Avatar, ultime album de feu de la comète californienne.

Depuis quelques années, le sorcier de la six-cordes a trouvé sa vitesse de croisière en alternant disques acoustiques intimistes (For Octavio Paz, Shelter For the Ash) et d’autres à la dimension plus sombre et ambitieuse (The Sun Awakens, School of the Flower). C’est cette seconde option que privilégie Ascent, qui, vous l’aurez compris, est la production la plus rock à ce jour de Six Organs. Mais le rock dont il est question ici se veut nettement plus pervers que l’idée généralement reçue.

Selon les préceptes de Ben Chasny au sein de son nouveau projet, le niveau de saturation électrique, portée ici à son paroxysme, doit être un nouveau passeport vers une destination mystérieuse, imprévisible et cosmique. Aussi lors de ses transes psyché-rock, les morceaux franchissent facilement les six minutes, dans l’esprit 70’s du Quicksilver Messenger Service et The Allman Brothers. Avec ce petit quelque de nauséeux en plus.

Tel sur l’instrumental tellurique « Waswasa » – (« Vas-y Wasa ! » excusez de la plaisanterie…) impressionnant tour de force d’une jam collective violente et épique, où les solos hautement toxiques exécutés à vitesse grand V par Ben Chasny, repoussent les limites de la raison, qui est comme poussé dans un état second par une force magnétique et l’attirant jusqu’à l’antre de la folie. Sous l’emprise d’une basse martiale et hypnotique sur « Even if you Knew », l’improvisation du guitariste s’engouffre vers des territoires inquiétants entre fausse accalmie, explosion fuzzy et drones aliénants… On retiendra également les grinçantes effluves de bottleneck sur le lancinant « A Thousand Birds », et sa voix énigmatique, si étrangement caressante, happée par la brume.

Il serait toutefois réducteur de classer Ascent dans un registre uniquement saturé. Un album de Six Organs contient toujours quelques détours vers la folk mystique (le ténébreux « They Called You Near », et la belle épure de « Your Ghost »). On pense alors aux Doors éperdus de The Soft Parade, pour l’ambiance sunset west coast malade (« Close to the Sky »), et encore une fois au Marc Bolan de Tyrannosaurus Rex, pré-glam et paillettes. Si Six Organs of Admittance donnait l’impression de tourner un peu en rond ces derniers temps, un nouveau chapitre passionnant s’ouvre avec Ascent pour ce maître de l’abyme psychédélique.