Voilà trois ans, nous avions laissé Ben Chasny en compagnie de ses anciens camarades de Comets on Fire (en hiatus depuis 2008), dans un épais magma acid-rock.


Voilà trois ans, nous avions laissé Ben Chasny en compagnie de ses anciens camarades de Comets on Fire (en hiatus depuis 2008), dans un épais magma acid-rock. Après avoir exploré les abysses les plus profonds de l’acid-folk, l’insaisissable guitariste derrière Six Organs of Admittance ouvrait alors avec Ascent, son 12e opus sous son projet phare, un nouveau chapitre électrique dans sa discographie, d’une intensité inédite. En un sens, Hexadic en est le prolongement rock, tout en s’avérant encore plus radicale. Sans conteste le plus difficile d’accès de la discographie pourtant conséquente de Six Organs – en écartant sciemment les multiples projets expérimentaux de Chasny. Dans l’optique de stimuler sa créativité intarissable (toujours particulièrement sollicitée avec dernièrement New Bums, et ses tournées avec le trio instrumental Rangda), le gourou cosmique de la six-cordes a enregistré ce nouvel album selon une méthode inventée par ses propres soins. Baptisé « Exadic System », ce système établi autour d’un jeu de cartes (de poker), incite Chasny et ses musiciens ”” s’y distingue encore le batteur Noel Von Harmonson de Comets on Fire – à envisager des nouvelles perspectives de composition et d’improvisation, que ce soit, dixit son géniteur, sur « le plan des champs sonores, des changements d’accords, des gammes et des paroles« . Une technique plus ou moins déjà utilisée par Brian Eno et John Zorn, serait-on tenté de préciser. Il en résulte neuf plages hirsutes, aux frontière de la noise, sans le moindre chant (quelques textes exclamés mains inaudibles), sans la moindre progression d’accords à se rattacher pour l’auditeur, où Ben Chasny laisse exprimer quelques-uns de ses solos les plus stridents et perturbés. La fulgurance et la violence de certains ne sont d’ailleurs pas sans évoquer ceux du sorcier nippon Keiji Haino (le démentiel « Hollow River »). Disque électrique, ténébreux et viscéral, Hexadic n’offre que peu de répit à l’auditeur en terme de violence auditive – seule exception acoustique « Hesitant Grandlight », est un court bourdon joué à la guitare espagnole. Les atmosphères tissés par les guitares, incroyablement pesantes, s’aventurent dans des territoires Doom : le caverneux « Futur Verbs » redessine les cartes du genre dans un esprit psyché d’outre-tombe, ou encore le terrifiant « Hollow River », une pure agression de bruit blanc. Le voyage devient moins violent vers les dernières plages, mais pas moins cauchemardesque – les sombres feedback ambient sur « Vestige », et le finale pessimiste « Guild ». Hexadic n’est certainement pas le genre d’album qu’on se réécoute par plaisir, mais son caractère désespéré laisse une cicatrice profonde dans notre mémoire. Une étape charnière dans la vision artistique sans concession ni surplace de Ben Chasny.