Le disque de la rémission pour le guitariste et songwriter brooklynois. Radieux et apaisé.


Après avoir touché le fin fond de l’abîme, Will Stratton savoure son retour à la lumière. Tout avait pourtant bien commencé. En 2012, le quatrième album de ce touche-à-tout confidentiel (guitariste, songwriter et arrangeur) et basé à Brooklyn, sort sur l’hexagone par l’entremise du label Talitres. Coup de cÅ“ur instantané, Post Empire impose un songwriting supérieur, chaînon manquant entre l’aisance arpégée de Mark Kozelek et le versant folk orchestral d’un Sufjan Stevens (son parrain musical). La critique salue ce nouveau talent porteur de belles promesses. Hélas, le tableau s’assombrit brusquement. Alors qu’il s’apprête à traverser l’Atlantique pour défendre pour la première fois sur le vieux continent son disque, Will Stratton est coupé net dans son élan : les médecins lui diagnostiquent un cancer de stade III. A tout juste 25 ans, le jeune homme accuse le choc, contraint d’annuler une à une ses dates pour être hospitalisé d’urgence. L’année 2013 fut celle de son combat contre la maladie. Un long combat qu’il a vaincu et dont il s’estime aujourd’hui « miraculé ».

Deux ans après Post-Empire, ce nouvel effort est donc l’album « post-guérison ». Huit compositions nées durant sa période de convalescence passée entre New York et Washington. Il faut envisager ce disque comme celui de la renaissance, non pas au sens musicale propre, mais plutôt spirituelle. Un disque qui se veut rayonnant et apaisé, sur le plaisir de goûter à nouveau aux choses simples de la vie. D’être tout simplement encore là. Sans à aucun moment verser dans la béatitude embarrassante, Will Stratton trouve les mots justes avec un sens de la mesure admirable. Les épreuves difficiles qu’il a traversées lui ont permis de prendre du recul, transmettant à l’ensemble de Cray Lodge Wisdom une sérénité où il fait bon s’envelopper. Sur la magnifique chanson-titre de l’album, chanté en duo avec Tamara Lindeman (The Weather Station), le brooklynois se dit « encore vivant » et que « le pire la rendu plus fort », déclaration élevée par un tourbillon de cordes à donner le vertige.

Cette confiance retrouvée renoue avec celle exigeante de Post Empire : une écriture folk à la fois traditionnelle et terriblement moderne entre les mains de ce jeune-homme de son temps. Will Stratton continue de pétrir dans son creuset folk/rock, que ce soit dans une totale épure guitare/voix convoquant l’intimité (« Wild Rose ») ou entouré de violons aristocratiques (« Dreams of Big Sur »), parfois même habillé de discrètes textures atmosphériques (le sublime aurore finale « Fate Song »). A son âge, ce musicien complet a déjà parfaitement assimilé l’art de la corde pincée primitive du maître John Fahey (l’évidence sur « The Arrow Darkens »). Sa dextérité à la six-cordes ou au banjo lui autorise d’ailleurs une maîtrise du temps et du rythme que peu de ses contemporains peuvent se targuer d’avoir aussi bien assimilé. Comme sur la course au picking « Long Live the Hudson River », où se pose en contrepoint son chant calme et caressant, petite leçon d’équilibre exécuté non sans frisson. Autre perle de ce disque décidément trop court, « Yeah, I’ll Requite Your Love » où se tutoie la finesse du Five Leaves Left de Nick Drake. Très rare donc. Mais au fond, l’essentiel, c’est que les chansons de Will Stratton respirent à plein poumon. Et cette bouffée d’air fait grand bien.




Concerts :

15/05: LA ROCHELLE / Atelier Bletterie
16/05: TOULOUSE / Le Connexion Café
26/05: BORDEAUX / Le Rocher Palmer
29/05: POITIERS / Le Confort Moderne (Fest. Less Playboy Is More Cowboy)
30/05: PARIS / Les Trois Baudets (/ Stranded Horse)