Bill MacKay, taulier du label Drag City, auteur-compositeur-interprète et guitariste hors pair nous gratifie d’un retour en solo.
La scène musicale de Chicago est toujours bien fringante. En permanence fréquentée, elle demeure un vivier incomparable où une pléthore de musiciens laissent libre court à leurs inspirations : esthètes de sonorités folk et post-rock y côtoient d’émérites guitaristes adeptes d’arpèges de six-cordes aventureux et un bon nombre de pointures rodés dans la captation d’atmosphères expérimentales, avant-gardiste ou jazzy.
Drag City, label phare de la ville fondé en 1990, notamment réputé pour laisser totale liberté de création à ses musiciens, en est le symbole. Il y a un bon mois était publié le 3e album pour Drag City du guitariste Bill MacKay, un des piliers de la communauté musicale chicagoan. Auteur sous son nom de trois albums depuis 2017, le six-cordiste reste cependant un partisan convaincu et actif de collaborations transversales. Ses plus probantes associations l’ont vu s’impliquer dans les albums de Riley Walker (SpiderBeetleBee, 2019) , Steve Gunn (Other You, 2021), Nathan Bowles (Keys, 2021) ou Bill Callahan & Bonnie Prince Billy (Blind Date Party, 2021).
Dans la foulée de deux récentes coopérations : Black Duck (avec Douglas McCombs (Tortoise) et Charles Rumback) et BCMC (avec Cooper Crain (Bitchin Bajas)), Bill McKay replante cette fois ci un nouveau décor mais en solo, cinq années après son dernier LP Fountain Fire.
Le dit Fountain Fire en grande partie instrumental nous avait à l’époque convié à de pastorales déambulations folk. Pour Locust Land, le musicien (également poète et artiste visuel), se fait plus chantant et volubile mais conserve sa signature folk et cinématographique. Il s’est également entouré pour cette occasion de musiciens (Mikel Patrick Avery aux percussions et Sam Wagster à la basse), donnant ainsi plus de corps à ses compositions. Celles-ci en retour sonnent moins expérimentales qu’à l’accoutumé. Son cinquième opus est en définitive un vrai travail collectif.
La musique de MacKay peut flirter avec la rudesse folk d’un Bill Callahan ou s’évader vers l’ivresse des grands espaces. « Radiator » par exemple, titre majeur et bien représentatif de sa discographie combine intimement les accords de guitares râpeux avec un orgue vintage. Les instrumentaux (« Locust Land » au premier rang) distillés à bon escient sont souvent planants. Les compositions peuvent aussi afficher – chose peu fréquente chez ce compositeur – une réelle dynamique preuve avec l’entrainant et bien convaincant instrumental « Glow Drift » ou « Oh Pearl » et son solo de guitare optimiste ; la composition chantée « When I Was Here » au classicisme pop émergeant atteste également de ses choix stylistiques.
Un côté magique voir mystique s’invite dans ce panorama sonore et vient illustrer la symbolique choisi pour cet enregistrement : le criquet (locust). Sur le mélancolique “Neil’s Field”, Janet Beveridge Bean (Eleventh Dream Day, Freakwater) pose ses vocalises hantées et inquiétantes. Dans la même veine l’introductif « Phantasmic Fairy » génère ce même état de craintes. Locust Land est au final ambivalent : le criquet annonciateur d’une plaie peut être aussi vu comme une métaphore de l’abondance ou de la renaissance.
Musicalement, cette terre de criquets alterne les sublimes instrumentaux et les mélodies vocales très convaincantes.
Tracklisting:
- Phantasmic Fairy
- Keeping In Time
- Glow Drift
- Half of You
- Oh Pearl
- Radiator
- When I Was Here
- Neil’s Field
- Locust Land