Ce n’est pas parce que les disques des Pernice Brothers ne sont plus distribués en France depuis le sensationnel The World Won’t end (2001) qu’on va gâcher le plaisir de vous parler d’un de nos songwriters préférés, le grand Joe Pernice. Hein ?


Avec ses lunettes d’intello un brun timide et sa délicatesse légendaire, ce professeur du Massachussets n’a vraiment pas le profil pour défrayer la rubrique « potins » du NME. Sur le documentaire Nobody’s Watching/Nobody’s Listening, récent témoignage sur la route, l’ambiance d’une tournée chez les Pernice Brothers est autrement plus placide. Ici, point de concours de lancer de poste TV par la fenêtre d’une chambre d’hôtel, ou bien de bastons à la sortie de scène. Non, le rondouillard se couche tôt, appelle sa petite famille tous les soirs et passe sa journée à répondre à ses mails. Rien de bien dangereux, on en conviendra… ou au pire, on lui prédit un pouce cassé lors d’un tournoi d’échecs improvisé dans le van avec ses faux-frères.

Et pourtant, derrière cette image de bon père de famille, Joe Pernice – n’ayons pas peur de le dire – est l’un des meilleurs songwriters en activité, l’un des rares à se permettre de tutoyer Elliott Smith, voire lui donner quelques tapes dans le dos… Avec en l’occurrence Overcome By Happiness en 1998, l’ancien chef scoot des Scud Mountain Boys a accompli l’impensable : sortir la même année un disque pop aussi bon que XO. Ce pur chef-d’oeuvre méritera en temps voulu l’objet d’une chronique dans nos colonnes « Flashback », promis, juré, craché.

Après une diversion rock entamée sur Yours Mine & Ours en 2003, ce déjà quatrième album des Pernice Brothers – et dixième pour Joe Pernice – a pris parti de décélérer la cadence. Les guitares électriques sevrées, Discover a Lovelier You opte pour un retour vers des chansons moins tape-à-l’oeil, servies par une production plus pointilleuse en textures et idées neuves. Un soin particulier a été porté cette fois aux ambiances cinématiques, et les treize chapitres de Discover a Lovelier You penchent vers une cohérence que l’on n’avait guère entendue chez Joe Pernice depuis le solitaire Chappaquiddick Skyline (2000).

Cette linéarité abrite cependant un disque étrange : les ambiances aériennes, bucoliques à souhait, ne se laissent pas apprivoisées d’un premier jet. Des lignes de guitares 60’s cristallines de «Lonely Surfer» plongent en permanence à travers des vagues synthétiques. De par cet aspect faussement dilettante et ultra-léché, Discover A Lovelier You nous rappelle au bon souvenir de Moose, avec ses guitares élégantes, flottant sur des envolées chatoyantes. On en appelle également au Jordan de Prefab Sprout pour la même richesse de thèmes abordés, de titres en titres. On peut également regretter que Mr Pernice tente dorénavant de s’écarter des sections à corde qui ont fait le bonheur d’Overcome By Happiness et The World Won’t End. Mais ce stratagème se révèle payant au bout du compte et offre une identité inédite à son groupe.

Avec quelques airs de déjà vu (“Say Goodnight To The Lady”, “Snow”), l’habilité d’écriture est toujours de mise sur des instantanés pop tels que “There Goes The Sun”, “Saddest Quo” ou les frissonnants choeurs en canon d’“Amazing Glow”, grand moment de l’album. Le timbre de voix de Pernice, cousin improbable de Colin Blunstone (Zombies), aux vertus adoucissantes, demeure l’un des plus beaux de la sphère pop, au service de textes toujours désincarnés et élégants.

A l’écoute de cette bonne poignée de perles, on a un peu de mal à croire notre super-mélodiste lorsqu’il chante sur “Subject Drop”, duo mixte aux accents Byrdsiens : « The impetus is gone. Discarded like a less-than mediocre song. It’s getting old ». Car comme l’indique si bien Discover a Lovelier You, les Pernice Brothers ont ce don immense de vous rendre un peu meilleur, le temps de quelques chansons du moins.

-Le site officiel des Pernice Brothers

-Lire également la chronique de Yours Mine & Ours (2003)