Il y a deux semaines, l’Ancienne Belgique accueillait Sparklehorse, de retour sur les planches après une longue absence. Compte-rendu.
A ma grande surprise, une foule compacte a envahi l’A.B., ce soir, pour accueillir comme il se doit le « Cheval Etincelant ». Très calme, le public accueille poliment les soupirs et hululements « björkiens » de Kria Brekken (chanteuse de Mùm), seule derrière son piano en première partie. Un quart d’heure plus tard, la lassitude me gagne. Une bière, vite.
A Kria succède Sol Seppy, emmené par Sophie Michalitsianos, violoniste et choriste sur Good Morning Spider et It’s a wonderful life de Sparklehorse. Depuis cette collaboration, l’artiste a enregistré The Bells of 1 2, son album « solo » estampillé Sol Seppy. A la manière de son collègue Linkous ou de Trent Reznor (Nine Inch Nails), Sophie se taille la part du lion en studio comme sur scène : elle chante, joue du clavier, programme le sampler. L’utilité de quatre autres musiciens (dont un violoncelliste) à ses côtés paraît douteuse : un coup d’archet par-ci, quelques notes de guitare par-là, on en entendra guère plus. Tous les regards se braquent sur Sophie : au four et au moulin, la nymphe irradie l’assistance de sa voix apaisante, par instants hésitante. D’abord en mode piano-chant, les compositions dévoilent peu à peu d’autres facettes : les beats virent trip-hop, les guitares rythmiques durcissent le ton. De son côté, la chanteuse gravit les octaves sans faiblir, balbutie quelques remerciements timides et quitte la scène sous nos applaudissements nourris, amplement mérités.
A 21 h 30, Sparklehorse investit les lieux et attaque sans préambule l’inquiétant « Spirit Ditch ». A gauche, aux claviers et à la guitare, Chris Michaels seconde efficacement son leader. Derrière ce dernier, le fidèle Johnny Hott célèbre en beauté son anniversaire derrière les fûts (le public lui chantera un « Happy Birthday » lors du rappel). Parfois trop présent (quelle tâche ingrate que la batterie dans Sparklehorse !), il s’efface, judicieux, sur les titres les plus fragiles. A droite, l’impressionante PJ Brown, vêtue d’une longue robe noire, assure sobrement les choeurs et la basse. Au centre, derrière un double micro, trône Mark Linkous en costume, la tignasse hirsute, l’air plus solide qu’on l’imaginait. Soucieux de ne frustrer personne, le groupe interprète des titres piochés dans ses quatre albums, en privilégiant, bonheur, le désormais culte Vivadixiesubmarinetransmissionplot. Dans un même souci d’équilibre, les salves rock (dont l’efficace « Someday I Will Treat You Good ») alternent avec les berceuses aigres-douces (« Gold Day », l’évanescent « Painbirds ») ; les hennissements du songwriter empruntent le même schéma, tantôt distordus par le jeu de micros, tantôt naturels.
D’un naturel introverti, Linkous communique peu, sauf au moment de présenter ses comparses à l’assistance. Celle-ci ne s’en offusque pas, savourant l’interprétation sans faille de ses morceaux favoris. Ainsi, le dernier single, « Don’t Take My Sunshine Away », quoique balisé à l’extrême, convainc, grâce à l’alchimie vocale entre Linkous et sa bassiste-choriste. Dans ses meilleurs moments, le pâlefrenier en chef parvient à surprendre. Ruant dans les brancards, il écrase ses pédales et électrise sans crier gare le final du soyeux « Apple Bed ». Plus loin, l’apothéose : en milieu de concert, il convie Sophie (Sol Seppy) à un duo sur l’envoûtant « Gasoline Horseys », qui m’émeut (presque) aux larmes. Néanmoins, on pointera en outre quelques fausses notes, dont un « Hammering the Cramps » en pilote automatique, sans que cela nuise à la qualité de l’ensemble.
Acclamé à tout rompre, le groupe se fendra de deux rappels, délivrant des versions furibondes de « Pig » et « Happy Man ». Ne manquait à une set-list de choix que « Homecoming Queen », jadis incontournable. Une autre fois sans doute. Ce soir, après cinq ans de silence, Sparklehorse a (définitivement ?) repris les rênes de sa carrière.